Aumônier à la prison de Fresnes depuis 6 ans, j’essaie de témoigner que Dieu est plein de miséricorde, que chacun a de la valeur à ses yeux, mais je constate qu’il y a beaucoup de raisons de perdre espoir dans ce lieu de désolation. Je me sens bien petit et impuissant devant des situations de détresse :
Locaux dans un état déplorable
Pénurie de moyens pour préparer la sortie, la réinsertion
Manque de personnel pour aller chercher les détenus pour aller au culte
Multiples contraintes découlant des règles de sécurité
Détenus dans un état de dénuement total, manquant d’habits
Climat de violence
Détenus vivant des situations personnelles dramatiques :
« ma femme est morte, je n’ai pas pu aller à ses obsèques »
« ma femme m’a quitté »
« je n’ai plus de contact avec mes enfants »
Quand on se sent complètement démuni pour améliorer ces situations, on se demande si on sert à quelque chose, si on est crédible quand on annonce la Bonne Nouvelle que Dieu aime chacun, est présent à ses côtés.
Et malgré tout j’y retourne, poussé par une force mystérieuse qui me dit que si Jésus est bien vivant, il est présent au cœur de la détention. Je me sens invité à ouvrir les yeux et à être le témoin de l’action de l’Esprit Saint.
Après la lecture dans l’évangile d’un récit de miracle, je demande aux détenus présents si Jésus fait encore des miracles aujourd’hui, et à ma grande surprise, un détenu répond :
« Oui Jésus a fait un miracle pour moi, il m’a ouvert les yeux ; j’étais très en colère d’être au mitard, j’en voulais à tout le monde et j’ai découvert que je pouvais aussi regarder ce qui allait bien dans ma vie, et rendre grâce pour cela : je suis en bonne santé, j’ai de quoi manger, ma famille ne m’a pas abandonné. Je peux aussi choisir d’avoir une attitude positive et constructive ».
Alors oui, Dieu est bien présent à mes côtés ; il agit mystérieusement et me permet d’espérer quand ma raison me dit qu’il n’y a plus d’espoir. Les détenus, par leur parole, leur témoignage, nous apprennent l’Espérance, ils nous invitent à mettre notre confiance en celui qui est plus grand, plus puissant que tout, même si notre raison à l’échelle humaine nous incite à baisser les bras.
Antoine Leclerc, diacre